Détérioration des conditions de travail et de soins dans les maisons de retraite
Les maisons de retraite se trouvent confrontées à un manque chronique de financement public. Il n’est donc pas surprenant que face à des situations d’urgence et à des besoins sans fin, les employés accomplissent inévitablement des tâches qui dépassent leur description de travail : ils n’ont pas d’autre choix que d’effectuer des tâches essentielles, mais pour lesquelles ils ne sont pas qualifiés, afin de fournir aux résidents les soins et l’assistance dont ils ont besoin (le personnel auxiliaire aide à la toilette tandis que les aides-soignants fournissent des soins médicaux). Il existe un décalage entre le travail effectué et les niveaux de salaire, qui restent faibles, ce qui rend le secteur peu attrayant et, par conséquent, la plupart des maisons de soins infirmiers ont du mal à recruter du personnel, ce qui aggrave le ratio soignants/résidents déjà faible dans ces établissements.
Les conditions de travail sont devenues encore plus difficiles en raison de l’évolution des pratiques de gestion, qui résulte des efforts de contrôle des dépenses publiques, et ont entraîné une demande de rentabilité dans les maisons de soins. Ces changements vont à l’encontre des principes fondateurs de ces établissements. Succédant aux maisons de retraite, ces établissements sont aussi des communautés de vie, avec un grand nombre de besoins interpersonnels liés à l’hébergement (blanchisserie, restauration), aux relations individuelles et à la vie sociale (soins).
Mais dans un souci de rationalisation des opérations, qui va de pair avec la réduction des coûts, le travail est “industrialisé”, les tâches sont standardisées et doivent être accomplies à un rythme plus rapide. L’objectif est de réduire les temps considérés comme “improductifs” – c’est-à-dire dire “Bonjour” et “Comment allez-vous aujourd’hui” aux résidents le matin et leur parler calmement le soir – ce qui revient en fin de compte à tous les aspects interpersonnels.
En ce qui concerne les indicateurs pour les institutions de financement, les autorités publiques donnent la priorité aux tâches censées refléter avec précision la productivité opérationnelle : le nombre de patients aidés pour le bain et la toilette ou le nombre de repas servis ! Cela intensifie la tendance à la déshumanisation des conditions de vie dans les maisons de retraite, qui se transforment progressivement en “lieux de mort”.
La dépendance, un défi pour la Sécurité sociale pour sortir de la crise
Cette situation est alarmante dans des circonstances normales, en particulier du point de vue de l’éthique et de la justice sociale, mais elle devient tragique en cas de crise sanitaire. C’est particulièrement vrai aujourd’hui, pendant la crise du Covid-19. Comme le virus fait des ravages dans ces établissements, les maisons de soins manquent de personnel médical pour prescrire et administrer les médicaments nécessaires au maintien en vie et aux fonctions cognitives des patients, ou pour assurer les soins de fin de vie. Les membres du personnel qui ne sont pas considérés comme des soignants ont dû attendre que les autorités publiques décident de leur fournir des équipements de protection, bien que cela soit essentiel pour protéger les résidents à haut risque. Et si ces résidents sont isolés dans leur chambre et que les visites sont interdites, les employés n’ont pas le temps de les réconforter et de les soutenir dans cette période difficile.
Ces circonstances tragiques appellent à repenser radicalement le modèle des maisons de retraite, comme l’ont suggéré de nombreux rapports. Le fait est que ces questions sont liées à la manière dont le secteur est financé.
Si les différentes études ont évalué les besoins de financement des maisons de retraite à 7 et 10 milliards d’euros, la mise en place d’une prise en charge des personnes dépendantes dans le secteur de la santé, accompagnée d’une augmentation des ressources en fonction des besoins, aurait l’avantage de supprimer l’impossible séparation entre “guérison” et “soins”, maintenue jusqu’à présent pour des raisons budgétaires, mais qui a montré ses limites, tant en termes de gestion des hôpitaux que de prise en charge des personnes dépendantes.
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